Article sur les expériences Précontinent

[Jean-Michel]

Trouvé sur l'excellent site web decompresse.net , en voici une copie :


D’aucuns en conviendront, on ne peut parler de plongée sous-marine de manière régulière sans finir par évoquer Jacques-Yves Cousteau. Encensé par beaucoup pour avoir popularisé et démocratisé la plongée, certains le vilipendent en raison de la face cachée de la plupart de ses expéditions. En effet, bien que devenu le chantre de la préservation des habitats marins et de leurs occupants, il semblerait que les tournages de plusieurs de ses documentaires aient causé des tors aux sujets et aux milieux concernés. Quoiqu’il en soit, on ne peut nier à "Captain Planet" le droit à la reconnaissance pour l’ensemble de son œuvre. Cette balise chronologique sera donc consacrée à une de ses multiples expériences qui ont permis de repousser les limites de la plongée sous-marine, mais dont on a peu entendu parler. Il s’agit de Précontinent.

Précontinent était définitivement avant-gardiste. Répartie sur trois phases (bien que 6 étaient initialement prévues), l’expérience avait pour but d’étudier la physiologie et le comportement social des hommes lors de séjours prolongés à différents niveaux de saturation et dans des milieux confinés. Jusqu’à six "océanautes" ou "aquanautes" ont ainsi passé entre 7 et 30 jours dans des stations installées à des profondeurs allant de 12 à 110m en respirant différents gaz selon la profondeur et la nature de l’expérience.

Le projet a débuté en 1962 avec Précontinent I. Installée par 12m de fond en périphérie de l’Île Pomègues en face de Marseille, la station sous-marine accueillit Claude Wesly et Albert Falco pendant 10jours. Ce dernier baptisa d’ailleurs l’habitacle "Diogène" en l’honneur du philosophe grec. On y respirait un mélange azote-oxygène et l’horaire des journées était meublé de diverses sorties pour effectuer des expériences scientifiques tantôt reliées directement à la plongée sous-marine tantôt aux projets imposés ou commandés par les différents organismes subventionnaires.

Un an plus tard, l’équipe Cousteau installait un habitacle plus vaste à 11m sous la surface de la mer Rouge sur un affleurement du récif de Sha'ab Rumi, à 9 miles nautiques au large des côtes du Soudan. La structure était cette fois-ci en forme de dôme central dont émanaient trois branches quasi-cylindriques. Les 7 océanautes de Précontinent II y passèrent 30 jours en respirant un mélange 60% azote- 40% oxygène. Cependant 2 d’entre eux (Falco et Portelatine) passèrent 8 de ces jours dans un habitacle plus petit, installé à –26m où ils respiraient cette fois-ci un mélange hélium-oxygène. Lors de leur séjour plus profond, ces derniers effectuaient des plongées pouvant aller jusqu’à 110m de profondeur sans nécessiter de palier de décompression. Tout au long de l’expérience on remarqua que l’exposition prolongée à une pression partielle d'oxygène de 0.8 ATM (au niveau –11m) ralentissait la pousse des poils, mais qu’elle accélérait la guérison des blessures mineures. De plus, comme on fumait dans l’habitacle (si absurde que cela puisse paraître), on remarqua que les cigarettes se consumaient deux fois plus vite. Le concept de plongée à saturation fut définitivement démontré lorsque à la fin du séjour d’un mois, deux heures de décompression en respirant un mélange de 80% d'O2 et 20% de N2 suffirent pour assurer un retour sécuritaire des océanautes vers la surface.

Fait intéressant, de nombreuses structures sont restées en place suite à l’expérience. L’habitacle principal de Précontinent II a été récupéré, mais la remise de la soucoupe-plongeante et les cages à requins ont été laissées en place ainsi que plusieurs câbles et autres débris divers. Certaines agences organisent même des croisières de plongée au cours desquelles on peut aller visiter les vestiges de cette cité fantôme.

Deux ans s’écouleront entre Précontinent II et III, mais certes, la dernière expérience est sans doute la plus audacieuse. Ainsi au cours de l’année 1965, 6 autres océanautes (dont Philippe Cousteau le fils aîné de Jacques-Yves et André Laban anciennement directeur de l’office Français de recherches sous-marines) passeront 3 semaines à –110m dans un habitacle de 140tonnes installé au large de Nice à St Jean Cap Ferrat. Cette fois-ci, compte tenu la profondeur, on a adopté une architecture sphérique pour la partie principale de l’habitacle et on y respire un mélange constitué de 98% d’hélium et 2% d’oxygène. Ce gaz sera remplacé par un mélange triple d’hélium, d'hydrogène et d'oxygène lors de travaux effectués à –120m. Avant l’immersion initiale, les aquanautes ont du respirer de l’oxygène pur pendant une période suffisamment longue pour éliminer toute trace d’azote de leur système, évitant ainsi tout effet narcotique indésirable à grande profondeur. Leur corps ne reverrait plus une trace d’azote au cours des 27 jours suivants. Suite à leur dernière bouffée d’oxygène, les aquanautes sont descendus en apnée jusqu’à une cloche située à –5m. De là, la cloche a été descendue à –110m où se trouvait l’entrée de l’habitacle.

Malgré le franc succès de l’opération Précontinent III (l’équipe d’aquanautes ayant notamment simulé la réparation d’une tête d’extraction pétrolière en un temps record), Cousteau ne parviendra pas à trouver le financement nécessaire à la continuation du projet.

Bien qu’une bonne partie des 2M$ US requis chaque année (pour combler les besoins logistiques et entretenir les équipes techniques de quelque 150-190 membres) était fournie par les subventions de la société "National Geographic", la participation du gouvernement français et des compagnies pétrolières demeurait indispensable. Cependant, bien qu’impressionnées par les prouesses techniques réalisées durant les trois phases de Précontinent, ces dernières ont préféré ré-orienter leur financement vers la recherche sur les engins robotisés. On en restera donc à Précontinent III alors que le projet initial prévoyait un Précontinent VI au cours duquel on devait installer une station à –200m.

1965-66 sera donc un point tournant de la carrière du commandant Cousteau qui, suite à ce revers, se détournera tranquillement de la recherche scientifique appliquée à la physiologie de la plongée pour se diriger vers la cinématographie et l’océanographie. Il laissera quand même derrière lui un héritage scientifique mais également commercial. L’expérience Précontinent se nommait "Continental Shelf Station" en anglais, expression qui a été abrégée pour donner "Conshelf". Ainsi, la compagnie US Divers commercialisera le modèle de détendeur Aqua Lung "Conshelf" vers la fin des années 70 et le début des années 80, un modèle qui est resté très longtemps sur le marché en raison de son design éprouvé.

(crédit texte decompresse.net Cédrik Coia)

Vestige de Precontinent II


(crédit photo subaqua.web.cern.ch)

JM

[Invité]

très intéressant ce rappel! Merci! Rigolo aussi les fumeurs...autre époque, plus libre peut-être...

[Jean-Michel]

autre époque, plus libre peut-être...

JM

[Jean-Marc]

Merci JM pour cette info et ce lien!



Dans le documentaire historique diffusé sur Arte il y a peu sur la
conquète des fosses abyssales. Cousteau a été cité rapidement pour
avoir participé technologiquement avec les "soucoupes
plongeantes" à la course aux profondeurs des années 60. On a un peu
oublié cette époque folle ou on "faisait des courses technologiques".
Celle ci était presque simultannée à celle spatiale et le mérite de
Cousteau est d'y avoir participer via des fondations non
gouvernementales comme pour beaucoup du reste de ses projets. Il semble
que le long terme est en effet donné raison à la voie des robots
explorateurs et manipulateurs en partie.



Dans un des livres de l'encyclopedie Cousteau, il dit clairement son
aversion pour les méthodes fortes en effet utilisées dans certaines
expéditions (dynamitage de corail pour sécuriser le mouillage de la
Calypso lors d'une fouille d'épave au Caraïbes).



Le fait de fumer dans les expériences Précontinent souligne que
c'était une autre époque... et qu'on était très loin de la prise
de conscience actuelle sur ce qu'on appelle "l'environnement" en
général... A l'époque on pensait inconsciemment "ne pas
faire de mal", aujourd'hui l'inconscient collectif est quelque part
plus ou moins convaincu qu'on est assis sur une caisse de dynamite
écologique... science sans conscience...etc..etc..

[Jean-Michel]

Le fait de fumer dans les expériences Précontinent souligne que
c'était une autre époque.....

coté plongée TOUT etait différent, on imagine difficilement les progrès réalisé dans notre domaine de la plongée.

Dans les années 60 la plongée etait réservée a quelques hurluberlus ou des professionnels et l'on avait tres peu conscience des risques encourus, une epoque ou responsabilité individuelle et liberté n'etait pas un vain mot .

Non que je soit passéiste, mais simplement parfois un peu nostalgique de la plongée telle qu'elle se pratiquais quand j'ai commencé avec mon père. J'avais 8 ans tout fier avec le détendeur Mistral et en maillot de bain (pas de néoprène pour les gamins !) , je plongais a 20 mètres a 10 ans : aujourd'hui cela fait dresser les cheveux sur la tête de n'importe quel encadrant plongée "enfant" ... quand je passais sur la réserve mon père me faisais signe de remonter ... tout seul ! au bateau ... toute une époque

ha le tribouteille a sangle et le bruit de casserolle dans le dos !



j'essaye quand même de faire revivre ce vieux matos (d'ailleurs si a l'occasion un membre de MDP est interessé par un baptème en Mistral dépoque qu'il me fasse signe)



JM

[Invité]

Intéressant ce reportage d'époque. J'aime bien l'histoire du ralentissement de la pousse des poils et de la guérison plus rapides des plaies... De ce point de vue également, dommage que ces expérimentations un peu folles, vues d'aujourd'hui, n'aient pas été mené plus loin.

[Jean-Marc]

On ne risque pas bien sûr pas d'être passéïste quand on se
souvient et et qu'on s'intéresse à l'histoire comptemporaine ou moins
comptemporaine. Pour l'avenir : c'est l'oubli le danger!!

[Jean-Michel]

On ne risque pas bien sûr pas d'être passéïste quand on se
souvient et et qu'on s'intéresse à l'histoire comptemporaine ou moins
comptemporaine. Pour l'avenir : c'est l'oubli le danger!!

Arf merci Marc ... tu sais quand on constate amèrement que la plongée Française est pleine de conflits de clochers je préfère mettre des gants quand j'aborde ce sujet "historique" qui me tiens a coeur

il faut dire aussi que les épreuves des encadrants de l'époque n'étaient pas piquées des vers : pour le IIeme échellon (équivalent du NIV aujourd'hui) au programme 3 kms capellé et remontée sans embout (en laissant le scaph au fond !) de ... 50 mètres

sur l'oubli du danger je suis tout a fait d'accord et ceci a double titre :

- la sécurité a enormement progressée en plongée et ça c'est sacrément positif

- MAIS la responsabilité individuelle a aussi fait un grand pas en arrière : des qu'un problème surviens il faut trouver un responsable ce n'est jamais de la faute de l'accidenté ce phénomène est bien sur général, mais appliqué a la plongée il est encore plus dur a avaler

Enfin malgré cette déresponsabilisation la plongée reste une activité totalement libre en France a partir du moment ou l'on plonge hors structure et ça c'est vraiment ... espèrons que le nouvel arrêté sur la plongée qui va bientot voir le jour laissera cet espace de liberté

JM

[time2tic]

merci pour ces infos sur precontinent.
c'est interessant de voir le role primordial des compagnies petrolieres dans la la poursuite ou non de precontinent tout comme dans la poursuite des plongees humaines de grande profondeurs de la comex qui pris fin au milieu des annees 80.

En gros, tout le monde avait en ligne de mire les memes debouches commerciaux et finalement c'est les robots qui ont gagnes car s'ils sont perdu au fond ou ecrabouille par la pression, c'est moins grave qu'avec un plongeur, grand dieu.
Neamoins, un plongeur sur place avec son cerveau en etat de marche travaille plus vite et mieux qu'un robot (na!)

Pour le bapteme en Mistral, JM je suis ton homme! (enfin facon de parler car je suis pas exactement la porte a cote mais se pourrait etre a l'occasion d'un de mes passages sur Paris, et puis je ne suis pas presse. Me reste plus qu'a trouver une combi argentee... )

[Jean-Michel]

Pour le bapteme en Mistral, JM je suis ton homme! (enfin facon de parler car je suis pas exactement la porte a cote mais se pourrait etre a l'occasion d'un de mes passages sur Paris, et puis je ne suis pas presse. Me reste plus qu'a trouver une combi argentee... )

ha je n'ai pas la combinaison argentée de "a la redécouverte du monde" en stock ... mais si tu satisfais de la version noire a bande jaune de "l'odyssée cousteau" et qui tu fais Taille 3 j'ai ça en stock



JM

[time2tic]

*tain, taille 3.
et moi qui force sur mon bide gras pour rentrer dans ma taille 4 bien talquee comme il faut pour que ca glisse.

la c'est le vrai challenge. perdre suffisament de poids pour rentrer dans une taille 3. Bon, je m'y mets doucement, et on en reparle ds quelques mois.

tres joliment vintage cette combi!

[Discret]

Mmm j'adore ce type d'expérience ou le "bon sens instinctif" était utilisé comme fil conducteur.Autres temps...
Ceci dit ce type d'aventure pourrai être relancé dans l'optique de préparer un groupe d'individus à un long voyage vers Mars

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