Prendre ou regagner confiance

[Jean-Marc]

Lorsqu’on est nouvel instructeur et qu’on travaille en équipe en formation initiale (OWD, N1), on peut choisir que les plus expérimentés s’occupent des cas moins faciles alors que les autres forment les élèves plus à l’aise pour gagner eux même de l’expérience. Mais un beau jour la facilité ne peut plus être la routine et ce fut à mon tour il y a quelques temps de cela ...

Alex, n’est guère à l’aise dans sa combinaison de plongée par ce petit matin de juin qui aurait pu être plus beau. Les nuages et l’humidité salutaire aux jardins accompagnent cependant ce stage de formation initiale à la plongée sous-marine. La veille j’avais travaillé avec Ludovic et Sébastien qui étaient aussi à l’aise dans l’eau que des plongeurs déjà certifiés. Ils n’auront aucune peine à démontrer la maitrise de toutes les compétences voulues pour attester de leur capacité de nouveau plongeur. Pour Alex au contraire ce fut hier une petite galère malgré tous les soins attentifs de Phil. Pour la seconde journée, nous décidons de changer les équipes : je vais travailler avec Alex et essayer de résoudre comme je pourrai ses difficultés. Le changement de formateur ne pourra pas aggraver la situation jugée un peu délicate.


Pour les plongeurs, l'immersion est un plaisir mais lorsqu'on débute ou qu'on s'est fait peur, cette image peut être une boule au ventre ...

Pas de difficultés pour gréer le scaphandre, Alex est même bien avance sur l’horaire et déjà tout équipé. Dans l’eau où l’on a pied, je vois la tension monter. Je lui montre comment ne pas se fatiguer en surface et comment passer chaque palme aisément en prenant un appui sur son scaphandre bien gonflé à proximité. Tout faire d’un geste lent et à coup sûr. Pareil pour capeler le scaphandre, on s’assoit dessus puis on glisse sans effort les deux bras simultanément dans les bretelles ayant pris soin de dégager préalablement tous les flexibles pour ne pas s’emmêler dedans. On se laisse porter par l’eau sans effort. Le stress et l’effort mènent à l’essoufflement et à la fatigue ce qui n’est pas le but d’une plongée ...

Je calme Alex en lui expliquant le «predive check» incontournable dans «mon» école de plongée : bouteille sur gilet (bien gréée, bien serrée), air (ouvert à fond, circuit principal et de secours, raccords OK, purges), lest, largage, OK final (état physique et moral de l’équipier). On regarde maintenant comment se «peser» dans l’eau là où on n'a plus pied pour savoir si la quantité de lest est correcte ou non. J’indique maintenant à Alex qu’on va aller en surface dans la zone la moins profonde à environ 30 m d’ici. J’en profite pour voir que le palmage n’est pas trop mal. Dans 1,50m d’eau on va au «piquet», un pieu immergé bien utile pour s’y tenir. En surface toujours, je vérifie que Alex sait retirer son embout dans l’eau et vider son masque, ce qui ne pose pas de problème.

Le problème d’Alex c’est le stress qui le tétanise littéralement, l’empêchant instinctivement de respirer avec une amplitude normale. Poumons pleins, Alex halète superficiellement, déséquilibré par le bloc d’acier qu’il a dans le dos. Même en s’aidant du piquet, il lui est impossible de se mettre à genoux sous l’eau sans tomber le derrière par terre et essayer en force de se redresser.

Je lui explique que même s’il est sur le dos, il lui suffit de se retourner en tournant sur lui même pour se retrouver à plat ventre. J’arrive à le stabiliser dans cette position en lui remettant un 1kg supplémentaire que j’avais dans ma poche au cas où (l’effet est souvent plus psychologique qu’autre chose mais bon). Mon but est de le faire respirer au rythme des plongeurs tout en fluidité et en calme dans cette position stable et tranquille.

Il ventile maintenant plus correctement et réussi même à enlever son masque complètement, le vider et le remettre. Je peux maintenant lui (re)montrer comment la respiration influe sur la flottabilité. Pivotant seulement sur le bout des palmes, bien équilibré et calme, on inspire, çà monte, on souffle, çà descend avec ces 2 à 3s de décalage propre au milieu aquatique.

Bien, ayant vérifié les bases minimum (savoir vider son masque et enlever/reprendre son embout). Je peux lui proposer de nous déplacer un peu dans la pente douce avec un peu plus de profondeur. Les carpes, les rotengles, les chevesnes, les carassins, les brèmes, les perches soleil, les Koï et les communes sont tous là pour nous distraire un moment et nous assurer de leur totale complicité pour notre mutation en hommes poissons (ou grenouilles si on veut ...). Avec un oeil continu sur Alex, on glisse au ras du sédiment et j’arrive à stabiliser Alex ainsi lui montrant continuellement de souffler dans le calme et le distraire des poissons.

Çà marche pas si mal et cette balade lui est complètement salutaire. Je peux maintenant lui faire mettre un peu d’air dans son gilet pour l’alléger. On refait du «pivot sur palme» pour s’habituer à gérer la flottabilité. Hélas quand on repart, il prend une énorme bouffée d’air qui le propulse en l’air. Je ne fais que faire le signe de souffler continuellement et d’agir avec parcimonie ... Continuons ainsi à nous balader car je vois que c’est bénéfique. On ne dépasse pas 6m avant de revenir dans la zone peu profonde pour faire des exercices de panne d’air simulées qui posent moins de problèmes à Alex que son équilibre...

Un palmage ultra lent, se laisser glisser sans mouvement brusque, profiter déjà de ces instants privilégiés où on est sous l’eau à regarder bêtement ce qui s’y passe. Le calme installé définitivement et revenus à un bout de référence à 3m, il ne nous reste plus qu’à faire notre remontée («en 5 points» bien sûr ...) dans un calme tout aussi olympien.

Alors? «çà va bien mieux qu’hier, j’ai senti l’effet de la respiration et à ne plus tomber en arrière». Renforcement positif, ce qu’il a bien fait, résolution des problèmes avec une solution tangible, les objectifs à nouveau. C’est OK, pause déjeuner et détente pour tout le monde.

13h, le soleil est de la partie et renfiler la combi humide n’est même pas désagréable. Discrètement on se fait un plan : bon, pour le «ludion», décapelé du scaphandre sous l’eau et la nage sans masque, Alex est trop «just» sur le contrôle de sa flottabilité. Mieux vaudra perfectionner son contrôle sur un pivot sur palmes dans un premier temps. Je n’arriverai d’ailleurs pas à le faire décoller sans qu’il perde son équilibre en retombant lourdement sur les fesses. Il faudra clairement plus de séances et prise de confiance en soi mais cela va venir.

On va donc se contenter de re-simuler des pannes d’air et de continuer à gérer sa respiration. Dans cette 4ème séance du week end, Alex n’est pas aussi assuré que les autres, mais il n’y a pas eu d’échec personnel. La peur s’est transformée en courage. Bientôt le courage se transformera progressivement en une sorte de sérénité, ce ne sera qu’une question de temps...

La veille au soir, j’avais accompagné Jean-Claude, formé à une autre école que «la mienne» qui s’était fait une frayeur en plongée sans doute en ayant mal ouvert sa bouteille dans des conditions de plongée un peu caricaturales (genre «go! go! go!») agrémenté d’une belle pression collective. Arrivé sur réserve (50 bars), le débit devint infime, panne d’air à 12m, remonté seul en vague expiration, heureusement sans dégât physique. Le moral par contre ...

Exactement les mêmes signes : fébrilité et équipement laborieux (en force). Exactement le même traitement : calme, méthode, et plaisir ! La plongée ne devrait jamais être autrement.

[Petit Fred]

Merci Jean Marc,

ce genre de post m'aide énorménent dans ma préparation laborieuse o-))

quelques petites questions :

1- le predive check est obligatoire partout, non ???

soit tu grées ton matériel et tu vérifies le fonctionnement & il y a vérification de ton matériel par ton moniteur & ou tes équipiers

soit tu récupères ton matériel gréé et tu vérifies le fonctionnement & il y a vérification de ton matériel par ton moniteur & ou tes équipiers

Me trompe je ???

2- le lestage ...

vaste sujet de débat s'il en est ....
comment le calcules tu (P app = P réel - P arch ???)

il est décrit dans "mon manuel" ==> on vérifiera en fin de plongée que le lestage permet de se stabiliser à 3m à 50 bars ... (heureusement qu'on évalue un peu avant ... )

3- l'ouverture de la bouteille , ouverture à fond & puis 1 tour de fermeture pour éviter une usure prématurée (???)

Pour le controle de l'ouverture de la bouteille, dans tous les cas le plongeur est quand même le premier responsable, j'ai aussi vu des gars partir sans palmes ....
Même si le controle de celui qui te met à l'eau doit être fait ...

Merci d'avance de tes reponses / commentaires

Fred

[Jean-Michel]

Merci Jean Marc,

même si ce fil ne m'est pas directement adressé je me permets quand même de faire quelques commentaires

quelques petites questions :

1- le predive check est obligatoire partout, non ???

"obligatoire" est vraiment un mot que je n'aime pas , surtout en plongée ... nécessaire bien sur et c'est a TOI de le faire, compter sur son binome si on est tête en l'air n'est surement pas la bonne approche

soit tu grées ton matériel et tu vérifies le fonctionnement & il y a vérification de ton matériel par ton moniteur & ou tes équipiers

il n'y a pas de "soit" tu vérifies ton matériel , ton équipier peut le vérifier aussi, ton moniteur le fera par conscience professionnelle, mais le responsable c'est toi (sauf bien sur au tout début ou tu auras besoin d'assistance) : mets toi dès le départ dans une position de responsabilisation individuelle

soit tu récupères ton matériel gréé et tu vérifies le fonctionnement & il y a vérification de ton matériel par ton moniteur & ou tes équipiers

non tu ne "récupères" jamais ton matériel grée : c'est toi qui le fait sauf a la première ou deuxième plongée ou ton moniteur peut le faire devant toi pour te montrer comment faire

2- le lestage ...

vaste sujet de débat s'il en est ....
comment le calcules tu (P app = P réel - P arch ???)

pas de "débat" sur le lestage : le lestage idéal est une quête, on ne l’acquiert qu'avec un peu de pratique, la ton moniteur va beaucoup t'aider quand aux calculs théoriques je n'en ai jamais vu de corrects, quand je calcule mon lestage a partir de formules je tombe sur des lestages exubérants qui me plombent comme une gueuse

il est décrit dans "mon manuel" ==> on vérifiera en fin de plongée que le lestage permet de se stabiliser à 3m à 50 bars ... (heureusement qu'on évalue un peu avant ... )

c'est en effet l'objectif : stab vide a 3 m être neutre, une bonne méthode consiste a être en surface, stab vide et bouteille pleine au début de la plongée, souffler et voir où le niveau de l'eau t'arrive : si il est pile poil au milieu des yeux c'est une bonne base

3- l'ouverture de la bouteille , ouverture à fond & puis 1 tour de fermeture pour éviter une usure prématurée (???)

non pas du tout pour éviter l'usure ! , si tu laisses ouvert a fond tu risques de te tromper lors de la vérif : quand tu sens que tu peux tourner dans les deux sens le robinet = ouvert : de mon coté je conseille plutot un demi tour et non un tour complet de refermeture

Pour le controle de l'ouverture de la bouteille, dans tous les cas le plongeur est quand même le premier responsable, j'ai aussi vu des gars partir sans palmes ....
Même si le controle de celui qui te mets à l'eau doit être fait ...

dans TOUS les cas le plongeur EST responsable, pas uniquement pour l'ouverture du bloc ! sauf bien sur en baptême ! , il est indispensable de se placer dans une configuration d'autonomie matériel dès le départ : c'est simple , plaisant a apprendre et la seule voie de la vraie sécu

[Petit Fred]

OKI sur tout, plus de questions merci

Fred

[Invité]

C'est clair que vérifier toi même avant et avec ton binôme dans l'eau est plus que nécessaire afin de minimiser les risques d'erreurs et les accidents.
Les risques ne sont jamais nuls (les accidents de ce week-end dans le sud en sont encore la preuve) mais si on peut les éviter au maximum, c'est mieux.

Même si on est aussi formé pour assister notre binôme en cas de pépin, je pense que tout le monde souhaite être confronté a ces cas le moins possible.
D'où aussi l'importance de bien choisir tes moniteurs afin de partir sur de bonne bases

Ma femme était un peu dans le même cas lors de son passage du niveau 1, pas de mauvaise expérience mais elle avait une certaine appréhension (notamment du vidage de masque) et un petit manque de confiance en soi (c'est pas Jean Marc qui va me contredire je pense). Et avec "calme, méthode, et plaisir ",elle a su gagner cette confiance et maintenant elle a bien attrapé le virus...

[awala]

Je me reconnais chez Alex. En effet, cela faisait presque 1 an que je n'avais pas rechaussé les palmes (arrivée de ma tipoune + des problèmes de santé).
La première immersion s'est faite avec beaucoup d'appréhension mais rapidement j'ai repris confiance en moi et tout s'est très bien passé.
Au final, j'ai aimé ma plongée en autonomie avec Jecko.

nico

[Invité]

Merci Jean-Marc pour ce partage d'expérience.

[Jean-Marc]

Merci Jean Marc,

ce genre de post m'aide énorménent dans ma préparation laborieuse o-))

quelques petites questions :

1- le predive check est obligatoire partout, non ???

soit tu grées ton matériel et tu vérifies le fonctionnement & il y a vérification de ton matériel par ton moniteur & ou tes équipiers

soit tu récupères ton matériel gréé et tu vérifies le fonctionnement & il y a vérification de ton matériel par ton moniteur & ou tes équipiers

Me trompe je ???

2- le lestage ...

vaste sujet de débat s'il en est ....
comment le calcules tu (P app = P réel - P arch ???)

il est décrit dans "mon manuel" ==> on vérifiera en fin de plongée que le lestage permet de se stabiliser à 3m à 50 bars ... (heureusement qu'on évalue un peu avant ... )

3- l'ouverture de la bouteille , ouverture à fond & puis 1 tour de fermeture pour éviter une usure prématurée (???)

Pour le controle de l'ouverture de la bouteille, dans tous les cas le plongeur est quand même le premier responsable, j'ai aussi vu des gars partir sans palmes ....
Même si le controle de celui qui te met à l'eau doit être fait ...

Merci d'avance de tes reponses / commentaires

Fred

Quelques commentaires bien sûr :

Pour le predive check, j'ai dit "incontournable" dans le sens où je ne peux pas ne pas l'enseigner selon ces précepts sans être hors des clous PADI. C'est "obligatoire" pour moi en tant qu'instructeur, obligatoires pour les élèves de le valider pour obtenir leur brevet. Une fois brévetés, ce "predive check" appartiendra plus aux bonnes pratiques de plongée qu'à une obligation. En est il ainsi ainsi ailleurs systématiquement? je dirais visiblement pas ...

Le fait d'enseigner systématiquement aux binômes OWD cette vérification mutuelle les sensibilises à l'attention à l'autre (le stade initial de l'apprentissage de la plongée est un stade centré sur soi même). Ils découvrent les points essentiels de l'équipement de l'autre plongeur et anticipent déjà sur ce qu'ils apprendront plus tard en détail plus tard au niveau rescue (ex : largage du lest, dans quelles circonstances? est ce le DS est bien branché? Comment fonctionne celui de mon binôme? Que faire en cas de défaillance malgré tout, etc). Pendant ce temps de vérification la tension diminue et le plongeur se rassure.

2- le lestage? ben les formules on s'en fiche. Les scaphs savent depuis belle lurette "se peser" et puis le poids d'air perdu en circuit ouvert autonome c'est facile à anticiper.

3- Ouverture des bouteilles : ben pareil faut que ce soit ouvert, pas à moitié ouvert ni à moitié fermé. Le nombre de gens qui se gourent sur mes robinetteries est tout sauf négligeable. Là encore le stress peut faire faire n'importe quoi (du style refermer à fond et 1/4 tour ouvert croyant ouvrir à fond 1/4 tour fermé!). Pour des élèves débutants : ne jamais "supposer" qu'ils l'ont fait correctement, il faut une certitude (comme un position transmise en marine en cas de détresse ). Double check.

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